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Äàòà èçìåíåíèÿ: Unknown Äàòà èíäåêñèðîâàíèÿ: Sun Apr 10 01:03:15 2016 Êîäèðîâêà: ISO8859-5 Ïîèñêîâûå ñëîâà: ï ï ð ï ð ï ð ï ð ï ð ï ð ï ð ï ð ï ð ï ð ï ð ï ð ï ð ï ð ï |
Au moment oá? la gerbe incandescente s'àÉleva vers le ciel àÀ une prodigieuse hauteur, cet àÉpanouissement de flammes àÉclaira la Floride entiàÈre, et, pendant un instant incalculable, le jour se substitua àÀ la nuit sur une àÉtendue considàÉrable de pays. Cet immense panache de feu fut aperàÇu de cent milles en mer du golfe comme de l'Atlantique, et plus d'un capitaine de navire nota sur son livre de bord l'apparition de ce màÉtàÉore gigantesque.
La dàÉtonation de la Columbiad fut accompagnàÉe d'un vàÉritable tremblement de terre. La Floride se sentit secouer jusque dans ses entrailles. Les gaz de la poudre, dilatàÉs par la chaleur, repoussàÈrent avec une incomparable violence les couches atmosphàÉriques, et cet ouragan artificiel, cent fois plus rapide que l'ouragan des tempàÊtes, passa comme une trombe au milieu des airs.
Pas un spectateur n'àÉtait restàÉ debout; hommes, femmes, enfants, tous furent couchàÉs comme des àÉpis sous l'orage; il y eut un tumulte inexprimable, un grand nombre de personnes gravement blessàÉes, et J.-T. Maston, qui, contre toute prudence, se tenait trop en avant, se vit rejetàÉ àÀ vingt toises en arriàÈre et passa comme un boulet au-dessus de la tàÊte de ses concitoyens. Trois cent mille personnes demeuràÈrent momentanàÉment sourdes et comme frappàÉes de stupeur.
Le courant atmosphàÉrique, apràÈs avoir renversàÉ les baraquements, culbutàÉ les cabanes, dàÉracinàÉ les arbres dans un rayon de vingt milles, chassàÉ les trains du railway jusqu'àÀ Tampa, fondit sur cette ville comme une avalanche, et dàÉtruisit une centaine de maisons, entre autres l'àÉglise Saint-Mary, et le nouvel àÉdifice de la Bourse, qui se làÉzarda dans toute sa longueur. Quelques-uns des bàÂtiments du port, choquàÉs les uns contre les autres, coulàÈrent àÀ pic, et une dizaine de navires, mouillàÉs en rade, vinrent àÀ la cá?te, apràÈs avoir cassàÉ leurs chaàÎnes comme des fils de coton.
Mais le cercle de ces dàÉvastations s'àÉtendit plus loin encore, et au-delàÀ des limites des à?tats-Unis. L'effet du contrecoup, aidàÉ des vents d'ouest, fut ressenti sur l'Atlantique àÀ plus de trois cents milles des rivages amàÉricains. Une tempàÊte factice, une tempàÊte inattendue, que n'avait pu pràÉvoir l'amiral Fitz-Roy, se jeta sur les navires avec une violence inouàÏe; plusieurs bàÂtiments, saisis dans ces tourbillons àÉpouvantables sans avoir le temps d'amener, sombràÈrent sous voiles, entre autres le Childe-Harold, de Liverpool, regrettable catastrophe qui devint de la part de l'Angleterre l'objet des plus vives ràÉcriminations.
Enfin, et pour tout dire, bien que le fait n'ait d'autre garantie que l'affirmation de quelques indigàÈnes, une demi-heure apràÈs le dàÉpart du projectile, des habitants de GoràÉe et de Sierra Leone pràÉtendirent avoir entendu une commotion sourde, dernier dàÉplacement des ondes sonores, qui, apràÈs avoir traversàÉ l'Atlantique, venait mourir sur la cá?te africaine.
Mais il faut revenir àÀ la Floride. Le premier instant du tumulte passàÉ, les blessàÉs, les sourds, enfin la foule entiàÈre se ràÉveilla, et des cris fràÉnàÉtiques: Ò?Hurrah pour Ardan! Hurrah pour Barbicane! Hurrah pour Nicholl!ÒË s'àÉlevàÈrent jusqu'aux cieux. Plusieurs million d'hommes, le nez en l'air, armàÉs de tàÉlescopes, de lunettes, de lorgnettes, interrogeaient l'espace, oubliant les contusions et les àÉmotions, pour ne se pràÉoccuper que du projectile. Mais ils le cherchaient en vain. On ne pouvait plus l'apercevoir, et il fallait se ràÉsoudre àÀ attendre les tàÉlàÉgrammes de Long's-Peak. Le directeur de l'Observatoire de Cambridge* se trouvait àÀ son poste dans les montagnes Rocheuses, et c'àÉtait àÀ lui, astronome habile et persàÉvàÉrant, que les observations avaient àÉtàÉ confiàÉes.
Mais un phàÉnomàÈne impràÉvu, quoique facile àÀ pràÉvoir, et contre lequel on ne pouvait rien, vint bientá?t mettre l'impatience publique àÀ une rude àÉpreuve.
Le temps, si beau jusqu'alors, changea subitement; le ciel assombri se couvrit de nuages. Pouvait-il en àÊtre autrement, apràÈs le terrible dàÉplacement des couches atmosphàÉriques, et cette dispersion de l'àÉnorme quantitàÉ de vapeurs qui provenaient de la dàÉflagration de quatre cent mille livres de pyroxyle? Tout l'ordre naturel avait àÉtàÉ troublàÉ. Cela ne saurait àÉtonner, puisque, dans les combats sur mer, on a souvent vu l'àÉtat atmosphàÉrique brutalement modifiàÉ par les dàÉcharges de l'artillerie.
Le lendemain, le soleil se leva sur un horizon chargàÉ de nuages àÉpais, lourd et impàÉnàÉtrable rideau jetàÉ entre le ciel et la terre, et qui, malheureusement, s'àÉtendit jusqu'aux ràÉgions des montagnes Rocheuses. Ce fut une fatalitàÉ. Un concert de ràÉclamations s'àÉleva de toutes les parties du globe. Mais la nature s'en àÉmut peu, et dàÉcidàÉment, puisque les hommes avaient troublàÉ l'atmosphàÈre par leur dàÉtonation, ils devaient en subir les consàÉquences.
Pendant cette premiàÈre journàÉe, chacun chercha àÀ pàÉnàÉtrer le voile opaque des nuages, mais chacun en fut pour ses peines, et chacun d'ailleurs se trompait en portant ses regards vers le ciel, car, par suite du mouvement diurne du globe, le projectile filait nàÉcessairement alors par la ligne des antipodes.
Quoi qu'il en soit, lorsque la nuit vint envelopper la Terre, nuit impàÉnàÉtrable et profonde, quand la Lune fut remontàÉe sur l'horizon, il fut impossible de l'apercevoir; on eá?t dit qu'elle se dàÉrobait àÀ dessein aux regards des tàÉmàÉraires qui avaient tiràÉ sur elle. Il n'y eut donc pas d'observation possible, et les dàÉpàÊches de Long's-Peak confirmàÈrent ce fàÂcheux contretemps.
Cependant, si l'expàÉrience avait ràÉussi, les voyageurs, partis le 1er dàÉcembre àÀ dix heures quarante-six minutes et quarante secondes du soir, devaient arriver le 4 àÀ minuit. Donc, jusqu'àÀ cette àÉpoque, et comme apràÈs tout il eá?t àÉtàÉ bien difficile d'observer dans ces conditions un corps aussi petit que l'obus, on prit patience sans trop crier.
Le 4 dàÉcembre, de huit heures du soir àÀ minuit, il eá?t àÉtàÉ possible de suivre la trace du projectile, qui aurait apparu comme un point noir sur le disque àÉclatant de la Lune. Mais le temps demeura impitoyablement couvert, ce qui porta au paroxysme l'exaspàÉration publique. On en vint àÀ injurier la Lune qui ne se montrait point. Triste retour des choses d'ici-bas!
J.-T. Maston, dàÉsespàÉràÉ, partit pour Long's-Peak. Il voulait observer lui-màÊme. Il ne mettait pas en doute que ses amis ne fussent arrivàÉs au terme de leur voyage. On n'avait pas, d'ailleurs, entendu dire que le projectile fá?t retombàÉ sur un point quelconque des àÎles et des continents terrestres, et J.-T. Maston n'admettait pas un instant une chute possible dans les ocàÉans dont le globe est aux trois quarts couvert.
Le 5, màÊme temps. Les grands tàÉlescopes du Vieux Monde, ceux d'Herschell, de Rosse, de Foucault, àÉtaient invariablement braquàÉs sur l'astre des nuits, car le temps àÉtait pràÉcisàÉment magnifique en Europe; mais la faiblesse relative de ces instruments empàÊchait toute observation utile.
Le 6, màÊme temps. L'impatience rongeait les trois quarts du globe. On en vint àÀ proposer les moyens les plus insensàÉs pour dissiper les nuages accumulàÉs dans l'air.
Le 7, le ciel sembla se modifier un peu. On espàÉra, mais l'espoir ne fut pas de longue duràÉe, et le soir, les nuages àÉpaissis dàÉfendirent la voá?te àÉtoilàÉe contre tous les regards.
Alors cela devint grave. En effet, le 11, àÀ neuf heures onze minutes du matin, la Lune devait entrer dans son dernier quartier. ApràÈs ce dàÉlai, elle irait en dàÉclinant, et, quand màÊme le ciel serait rassàÉràÉnàÉ, les chances de l'observation seraient singuliàÈrement amoindries; en effet, la Lune ne montrerait plus alors qu'une portion toujours dàÉcroissante de son disque et finirait par devenir nouvelle, c'est-àÀ-dire qu'elle se coucherait et se làÈverait avec le soleil, dont les rayons la rendraient absolument invisible. Il faudrait donc attendre jusqu'au 3 janvier, àÀ midi quarante-quatre minutes, pour la retrouver pleine et commencer les observations.
Les journaux publiaient ces ràÉflexions avec mille commentaires et ne dissimulaient point au public qu'il devait s'armer d'une patience angàÉlique.
Le 8, rien. Le 9, le soleil reparut un instant comme pour narguer les AmàÉricains. Il fut couvert de huàÉes, et, blessàÉ sans doute d'un pareil accueil, il se montra fort avare de ses rayons.
Le 10, pas de changement. J.-T. Maston faillit devenir fou, et l'on eut des craintes pour le cerveau de ce digne homme, si bien conservàÉ jusqu'alors sous son cràÂne de gutta-percha.
Mais le 11, une de ces àÉpouvantables tempàÊtes des ràÉgions intertropicales se dàÉchaàÎna dans l'atmosphàÈre. De grands vents d'est balayàÈrent les nuages amoncelàÉs depuis si longtemps, et le soir, le disque àÀ demi rongàÉ de l'astre des nuits passa majestueusement au milieu des limpides constellations du ciel.