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Äàòà èíäåêñèðîâàíèÿ: Sun Apr 10 01:02:45 2016
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Attaque et riposte

Attaque et riposte

CET incident semblait devoir terminer la discussion. C'Ð?tait le Â'mot de la finÂ', et l'on n'eÑ't pas trouvÐ? mieux. Cependant, quand l'agitation se fut calmÐ?e, on entendit ces paroles prononcÐ?es d'une voix forte et sÐ?vÐåre:

Â'Maintenant que l'orateur a donnÐ? une large part Ðœ la fantaisie, voudra-t-il bien rentrer dans son sujet, faire moins de thÐ?ories et discuter la partie pratique de son expÐ?dition?Â'

Tous les regards se dirigÐårent vers le personnage qui parlait ainsi. C'Ð?tait un homme maigre, sec, d'une figure Ð?nergique, avec une barbe taillÐ?e Ðœ l'amÐ?ricaine qui foisonnait sous son menton. A la faveur des diverses agitations produites dans l'assemblÐ?e, il avait peu Ðœ peu gagnÐ? le premier rang des spectateurs. LÐœ, les bras croisÐ?s, l'oeil brillant et hardi, il fixait imperturbablement le hÐ?ros du meeting. AprÐås avoir formulÐ? sa demande, il se tut et ne parut pas s'Ð?mouvoir des milliers de regards qui convergeaient vers lui, ni du murmure dÐ?sapprobateur excitÐ? par ses paroles. La rÐ?ponse se faisant attendre, il posa de nouveau sa question avec le mÐ?me accent net et prÐ?cis, puis il ajouta:

Â'Nous sommes ici pour nous occuper de la Lune et non de la Terre.

â?' Vous avez raison, monsieur, rÐ?pondit Michel Ardan, la discussion s'est Ð?garÐ?e. Revenons Ðœ la Lune.

â?' Monsieur, reprit l'inconnu, vous prÐ?tendez que notre satellite est habitÐ?. Bien. Mais s'il existe des SÐ?lÐ?nites, ces gens-lÐœ, Ðœ coup sÑ'r, vivent sans respirer, car â?' je vous en prÐ?viens dans votre intÐ?rÐ?t â?' il n'y a pas la moindre molÐ?cule d'air Ðœ la surface de la Lune.Â'


Attaque et riposte.

A cette affirmation, Ardan redressa sa fauve criniÐåre; il comprit que la lutte allait s'engager avec cet homme sur le vif de la question. Il le regarda fixement Ðœ son tour, et dit:

Â'Ah! il n'a pas d'air dans la Lune! Et qui prÐ?tend cela, s'il vous plaÐ?t?

â?' Les savants.

â?' Vraiment?

â?' Vraiment.

â?' Monsieur, reprit Michel, toute plaisanterie Ðœ part, j'ai une profonde estime pour les savants qui savent, mais un profond dÐ?dain pour les savants qui ne savent pas.

â?' Vous en connaissez qui appartiennent Ðœ cette derniÐåre catÐ?gorie?

â?' ParticuliÐårement. En France, il y en a un qui soutient que Â'mathÐ?matiquementÂ' l'oiseau ne peut pas voler, et un autre dont les thÐ?ories dÐ?montrent que le poisson n'est pas fait pour vivre dans l'eau.

â?' Il ne s'agit pas de ceux-lÐœ, monsieur, et je pourrais citer Ðœ l'appui de ma proposition des noms que vous ne rÐ?cuseriez pas.

â?' Alors, monsieur, vous embarrasseriez fort un pauvre ignorant qui, d'ailleurs, ne demande pas mieux que de s'instruire!

â?' Pourquoi donc abordez-vous les questions scientifiques si vous ne les avez pas Ð?tudiÐ?es? demanda l'inconnu assez brutalement.

â?' Pourquoi! rÐ?pondit Ardan. Par la raison que celui-lÐœ est toujours brave qui ne soupОonne pas le danger! Je ne sais rien, c'est vrai, mais c'est prÐ?cisÐ?ment ma faiblesse qui fait ma force.

â?' Votre faiblesse va jusqu'Ðœ la folie, s'Ð?cria l'inconnu d'un ton de mauvaise humeur.

â?' Eh! tant mieux, riposta le FranОais, si ma folie me mÐåne jusqu'Ðœ la Lune!Â'

Barbicane et ses collÐågues dÐ?voraient des yeux cet intrus qui venait si hardiment se jeter au travers de l'entreprise. Aucun ne le connaissait, et le prÐ?sident, peu rassurÐ? sur les suites d'une discussion si franchement posÐ?e, regardait son nouvel ami avec une certaine apprÐ?hension. L'assemblÐ?e Ð?tait attentive et sÐ?rieusement inquiÐåte, car cette lutte avait pour rÐ?sultat d'appeler son attention sur les dangers ou mÐ?me les vÐ?ritables impossibilitÐ?s de l'expÐ?dition.

Â'Monsieur, reprit l'adversaire de Michel Ardan, les raisons sont nombreuses et indiscutables qui prouvent l'absence de toute atmosphÐåre autour de la Lune. Je dirai mÐ?me a priori que, si cette atmosphÐåre a jamais existÐ?, elle a dÑ' Ð?tre soutirÐ?e par la Terre. Mais j'aime mieux vous opposer des faits irrÐ?cusables.

â?' Opposez, monsieur, rÐ?pondit Michel Ardan avec une galanterie parfaite, opposez tant qu'il vous plaira!

â?' Vous savez, dit l'inconnu, que lorsque des rayons lumineux traversent un milieu tel que l'air, ils sont dÐ?viÐ?s de la ligne droite, ou, en d'autres termes, qu'ils subissent une rÐ?fraction. Eh bien! lorsque des Ð?toiles sont occultÐ?es par la Lune, jamais leurs rayons, en rasant les bords du disque, n'ont Ð?prouvÐ? la moindre dÐ?viation ni donnÐ? le plus lÐ?ger indice de rÐ?fraction. De lÐœ cette consÐ?quence Ð?vidente que la Lune n'est pas enveloppÐ?e d'une atmosphÐåre.Â'

On regarda le FranОais, car, l'observation une fois admise, les consÐ?quences en Ð?taient rigoureuses.

Â'En effet, rÐ?pondit Michel Ardan, voilÐœ votre meilleur argument, pour ne pas dire le seul, et un savant serait peut-Ð?tre embarrassÐ? d'y rÐ?pondre; moi, je vous dirai seulement que cet argument n'a pas une valeur absolue, parce qu'il suppose le diamÐåtre angulaire de la Lune parfaitement dÐ?terminÐ?, ce qui n'est pas. Mais passons, et dites-moi, mon cher monsieur, si vous admettez l'existence de volcans Ðœ la surface de la Lune.

â?' Des volcans Ð?teints, oui; enflammÐ?s, non.

â?' Laissez-moi croire pourtant, et sans dÐ?passer les bornes de la logique, que ces volcans ont Ð?tÐ? en activitÐ? pendant une certaine pÐ?riode!

â?' Cela est certain, mais comme ils pouvaient fournir eux-mÐ?mes l'oxygÐåne nÐ?cessaire Ðœ la combustion, le fait de leur Ð?ruption ne prouve aucunement la prÐ?sence d'une atmosphÐåre lunaire.

â?' Passons alors, rÐ?pondit Michel Ardan, et laissons de cÑ'tÐ? ce genre d'arguments pour arriver aux observations directes. Mais je vous prÐ?viens que je vais mettre des noms en avant.

â?' Mettez.

â?' Je mets. En 1715, les astronomes Louville et Halley, observant l'Ð?clipse du 3 mai, remarquÐårent certaines fulminations d'une nature bizarre. Ces Ð?clats de lumiÐåre, rapides et souvent renouvelÐ?s, furent attribuÐ?s par eux Ðœ des orages qui se dÐ?chaÐ?naient dans l'atmosphÐåre de la Lune.

â?' En 1715, rÐ?pliqua l'inconnu, les astronomes Louville et Halley ont pris pour des phÐ?nomÐånes lunaires des phÐ?nomÐånes purement terrestres, tels que bolides ou autres, qui se produisaient dans notre atmosphÐåre. VoilÐœ ce qu'ont rÐ?pondu les savants Ðœ l'Ð?noncÐ? de ces faits, et ce que je rÐ?ponds avec eux.

â?' Passons encore, rÐ?pondit Ardan, sans Ð?tre troublÐ? de la riposte. Herschell, en 1787, n'a-t-il pas observÐ? un grand nombre de points lumineux Ðœ la surface de la Lune?

â?' Sans doute; mais sans s'expliquer sur l'origine de ces points lumineux, Herschell lui-mÐ?me n'a pas conclu de leur apparition Ðœ la nÐ?cessitÐ? d'une atmosphÐåre lunaire.

â?' Bien rÐ?pondu, dit Michel Ardan en complimentant son adversaire; je vois que vous Ð?tes trÐås fort en sÐ?lÐ?nographie.

â?' TrÐås fort, monsieur, et j'ajouterai que les plus habiles observateurs, ceux qui ont le mieux Ð?tudiÐ? l'astre des nuits, MM. Beer et Moelder, sont d'accord sur le dÐ?faut absolu d'air Ðœ sa surface.Â'

Un mouvement se fit dans l'assistance, qui parut s'Ð?mouvoir des arguments de ce singulier personnage.

Â'Passons toujours, rÐ?pondit Michel Ardan avec le plus grand calme, et arrivons maintenant Ðœ un fait important. Un habile astronome franОais, M. Laussedat, en observant l'Ð?clipse du 18 juillet 1860, constata que les cornes du croissant solaire Ð?taient arrondies et tronquÐ?es. Or, ce phÐ?nomÐåne n'a pu Ð?tre produit que par une dÐ?viation des rayons du soleil Ðœ travers l'atmosphÐåre de la Lune, et il n'a pas d'autre explication possible.

â?' Mais le fait est-il certain? demanda vivement l'inconnu.

â?' Absolument certain!Â'

Un mouvement inverse ramena l'assemblÐ?e vers son hÐ?ros favori, dont l'adversaire resta silencieux. Ardan reprit la parole, et sans tirer vanitÐ? de son dernier avantage, il dit simplement: Â'Vous voyez donc bien, mon cher monsieur, qu'il ne faut pas se prononcer d'une faОon absolue contre l'existence d'une atmosphÐåre Ðœ la surface de la Lune; cette atmosphÐåre est probablement peu dense, assez subtile, mais aujourd'hui la science admet gÐ?nÐ?ralement qu'elle existe.

â?' Pas sur les montagnes, ne vous en dÐ?plaise, riposta l'inconnu, qui n'en voulait pas dÐ?mordre.

â?' Non, mais au fond des vallÐ?es, et ne dÐ?passant pas en hauteur quelques centaines de pieds.

â?' En tout cas, vous feriez bien de prendre vos prÐ?cautions, car cet air sera terriblement rarÐ?fiÐ?.

â?' Oh! mon brave monsieur, il y en aura toujours assez pour un homme seul; d'ailleurs, une fois rendu lÐœ-haut, je tÐ?cherai de l'Ð?conomiser de mon mieux et de ne respirer que dans les grandes occasions!Â'

Un formidable Ð?clat de rire vint tonner aux oreilles du mystÐ?rieux interlocuteur, qui promena ses regards sur l'assemblÐ?e, en la bravant avec fiertÐ?.

Â'Donc, reprit Michel Ardan d'un air dÐ?gagÐ?, puisque nous sommes d'accord sur la prÐ?sence d'une certaine atmosphÐåre, nous voilÐœ forcÐ?s d'admettre la prÐ?sence d'une certaine quantitÐ? d'eau. C'est une consÐ?quence dont je me rÐ?jouis fort pour mon compte. D'ailleurs, mon aimable contradicteur, permettez-moi de vous soumettre encore une observation. Nous ne connaissons qu'un cÑ'tÐ? du disque de la Lune, et s'il y a peu d'air sur la face qui nous regarde, il est possible qu'il y en ait beaucoup sur la face opposÐ?e.

â?' Et pour quelle raison?

â?' Parce que la Lune, sous l'action de l'attraction terrestre, a pris la forme d'un oeuf que nous apercevons par le petit bout. De lÐœ cette consÐ?quence due aux calculs de Hansen, que son centre de gravitÐ? est situÐ? dans l'autre hÐ?misphÐåre. De lÐœ cette conclusion que toutes les masses d'air et d'eau ont dÑ' Ð?tre entraÐ?nÐ?es sur l'autre face de notre satellite aux premiers jours de sa crÐ?ation.

â?' Pures fantaisies! s'Ð?cria l'inconnu.

â?' Non! pures thÐ?ories, qui sont appuyÐ?es sur les lois de la mÐ?canique, et il me paraÐ?t difficile de les rÐ?futer. J'en appelle donc Ðœ cette assemblÐ?e, et je mets aux voix la question de savoir si la vie, telle qu'elle existe sur la Terre, est possible Ðœ la surface de la Lune?Â'

Trois cent mille auditeurs Ðœ la fois applaudirent Ðœ la proposition. L'adversaire de Michel Ardan voulait encore parler, mais il ne pouvait plus se faire entendre. Les cris, les menaces fondaient sur lui comme la grÐ?le.

Â'Assez! assez! disaient les uns.

â?' Chassez cet intrus! rÐ?pÐ?taient les autres.

â?' A la porte! Ðœ la porte!Â' s'Ð?criait la foule irritÐ?e.

Mais lui, ferme, cramponnÐ? Ðœ l'estrade, ne bougeait pas et laissait passer l'orage, qui eÑ't pris des proportions formidables, si Michel Ardan ne l'eÑ't apaisÐ? d'un geste. Il Ð?tait trop chevaleresque pour abandonner son contradicteur dans une semblable extrÐ?mitÐ?.

Â'Vous dÐ?sirez ajouter quelques mots? lui demanda-t-il du ton le plus gracieux.

â?' Oui! cent, mille, rÐ?pondit l'inconnu avec emportement. Ou plutÑ't, non, un seul! Pour persÐ?vÐ?rer dans votre entreprise, il faut que vous soyez...

â?' Imprudent! Comment pouvez-vous me traiter ainsi, moi qui ai demandÐ? un boulet cylindro-conique Ðœ mon ami Barbicane, afin de ne pas tourner en route Ðœ la faОon des Ð?cureuils?

â?' Mais, malheureux, l'Ð?pouvantable contrecoup vous mettra en piÐåces au dÐ?part!

â?' Mon cher contradicteur, vous venez de poser le doigt sur la vÐ?ritable et la seule difficultÐ?; cependant, j'ai trop bonne opinion du gÐ?nie industriel des AmÐ?ricains pour croire qu'ils ne parviendront pas Ðœ la rÐ?soudre!

â?' Mais la chaleur dÐ?veloppÐ?e par la vitesse du projectile en traversant les couches d'air?

â?' Oh! ses parois sont Ð?paisses, et j'aurai si rapidement franchi l'atmosphÐåre!

â?' Mais des vivres? de l'eau?

â?' J'ai calculÐ? que je pouvais en emporter pour un an, et ma traversÐ?e durera quatre jours!

â?' Mais de l'air pour respirer en route?

â?' J'en ferai par des procÐ?dÐ?s chimiques.

â?' Mais votre chute sur la Lune, si vous y arrivez jamais?

â?' Elle sera six fois moins rapide qu'une chute sur la Terre, puisque la pesanteur est six fois moindre Ðœ la surface de la Lune.

â?' Mais elle sera encore suffisante pour vous briser comme du verre!

â?' Et qui m'empÐ?chera de retarder ma chute au moyen de fusÐ?es convenablement disposÐ?es et enflammÐ?es en temps utile?

â?' Mais enfin, en supposant que toutes les difficultÐ?s soient rÐ?solues, tous les obstacles aplanis, en rÐ?unissant toutes les chances en votre faveur, en admettant que vous arriviez sain et sauf dans la Lune, comment reviendrez-vous?

â?' Je ne reviendrai pas!Â'

A cette rÐ?ponse, qui touchait au sublime par sa simplicitÐ?, l'assemblÐ?e demeura muette Mais son silence fut plus Ð?loquent que n'eussent Ð?tÐ? ses cris d'enthousiasme. L'inconnu en profita pour protester une derniÐåre fois.

Â'Vous vous tuerez infailliblement, s'Ð?cria-t-il, et votre mort, qui n'aura Ð?tÐ? que la mort d'un insensÐ?, n'aura pas mÐ?me servi la science!

â?' Continuez, mon gÐ?nÐ?reux inconnu, car vÐ?ritablement vous pronostiquez d'une faОon fort agrÐ?able.

â?' Ah! c'en est trop! s'Ð?cria l'adversaire de Michel Ardan, et je ne sais pas pourquoi je continue une discussion aussi peu sÐ?rieuse! Poursuivez Ðœ votre aise cette folle entreprise! Ce n'est pas Ðœ vous qu'il faut s'en prendre!

â?' Oh! ne vous gÐ?nez pas!

â?' Non! c'est un autre qui portera la responsabilitÐ? de vos actes!

â?' Et qui donc, s'il vous plaÐ?t? demanda Michel Ardan d'une voix impÐ?rieuse.

â?' L'ignorant qui a organisÐ? cette tentative aussi impossible que ridicule!Â'

L'attaque Ð?tait directe. Barbicane, depuis l'intervention de l'inconnu, faisait de violents efforts pour se contenir, et a brÑ'ler sa fumÐ?e comme certains foyers de chaudiÐåres; mais, en se voyant si outrageusement dÐ?signÐ?, il se leva prÐ?cipitamment et allait marcher Ðœ l'adversaire qui le bravait en face, quand il se vit subitement sÐ?parÐ? de lui.

L'estrade fut enlevÐ?e tout d'un coup par cent bras vigoureux, et le prÐ?sident du Gun-Club dut partager avec Michel Ardan les honneurs du triomphe. Le pavois Ð?tait lourd, mais les porteurs se relayaient sans cesse, et chacun se disputait, luttait, combattait pour prÐ?ter Ðœ cette manifestation l'appui de ses Ð?paules.


L'estrade fut enlevÐ?e tout d'un coup.

Cependant l'inconnu n'avait point profitÐ? du tumulte pour quitter la place. L'aurait-il pu, d'ailleurs, au milieu de cette foule compacte? Non, sans doute. En tout cas, il se tenait au premier rang, les bras croisÐ?s, et dÐ?vorait des yeux le prÐ?sident Barbicane.

Celui-ci ne le perdait pas de vue, et les regards de ces deux hommes demeuraient engagÐ?s comme deux Ð?pÐ?es frÐ?missantes.

Les cris de l'immense foule se maintinrent Ðœ leur maximum d'intensitÐ? pendant cette marche triomphale. Michel Ardan se laissait faire avec un plaisir Ð?vident. Sa face rayonnait. Quelquefois l'estrade semblait prise de tangage et de roulis comme un navire battu des flots. Mais les deux hÐ?ros du meeting avaient le pied marin; ils ne bronchaient pas, et leur vaisseau arriva sans avaries au port de Tampa-Town. Michel Ardan parvint heureusement Ðœ se dÐ?rober aux derniÐåres Ð?treintes de ses vigoureux admirateurs; il s'enfuit Ðœ l'hÑ'tel Franklin, gagna prestement sa chambre et se glissa rapidement dans son lit, tandis qu'une armÐ?e de cent mille hommes veillait sous ses fenÐ?tres.

Pendant ce temps, une scÐåne courte, grave, dÐ?cisive, avait lieu entre le personnage mystÐ?rieux et le prÐ?sident du Gun-Club.

Barbicane, libre enfin, Ð?tait allÐ? droit Ðœ son adversaire.

Â'Venez!Â' dit-il d'une voix brÐåve.

Celui-ci le suivit sur le quai, et bientÑ't tous les deux se trouvÐårent seuls Ðœ l'entrÐ?e d'un wharf ouvert sur le Jone's-Fall.

LÐœ, ces ennemis, encore inconnus l'un Ðœ l'autre, se regardÐårent.

Â'Qui Ð?tes-vous? demanda Barbicane.

â?' Le capitaine Nicholl.

â?' Je m'en doutais. Jusqu'ici le hasard ne vous avait jamais jetÐ? sur mon chemin...

â?' Je suis venu m'y mettre!

â?' Vous m'avez insultÐ?!

â?' Publiquement.

â?' Et vous me rendrez raison de cette insulte.

â?' A l'instant.

â?' Non. Je dÐ?sire que tout se passe secrÐåtement entre nous. Il y a un bois situÐ? Ðœ trois milles de Tampa, le bois de Skersnaw. Vous le connaissez?

â?' Je le connais.

â?' Vous plaira-t-il d'y entrer demain matin Ðœ cinq heures par un cÑ'tÐ??...

â?' Oui, si Ðœ la mÐ?me heure vous entrez par l'autre cÑ'tÐ?.

â?' Et vous n'oublierez pas votre rifle? dit Barbicane.

â?' Pas plus que vous n'oublierez le vÑ'treÂ', rÐ?pondit Nicholl.

Sur ces paroles froidement prononcÐ?es, le prÐ?sident du Gun-Club et le capitaine se sÐ?parÐårent. Barbicane revint Ðœ sa demeure, mais au lieu de prendre quelques heures de repos, il passa la nuit Ðœ chercher les moyens d'Ð?viter le contrecoup du projectile et de rÐ?soudre ce difficile problÐåme posÐ? par Michel Ardan dans la discussion du meeting.